La Conf' rencontre Biocoop Sud-Est
19.04.2024 -
Depuis 30 ans le réseau Biocoop met beaucoup d'énergie pour structurer régionalement et nationalement ses centrales et inciter les paysan.ne.s à se regrouper. Il y a encore 10 ans, il y avait une politique de soutien à l'agriculture paysanne sur des produits qui pouvaient être grêlés ou pas forcément calibrés.
Désormais la centrale d'achat Biocoop a une politique qui ressemble de plus en plus à ce que l'on voit dans la grande distribution. Le réseau est devenu très pointilleux sur le calibrage et la normalisation vis à vis des groupements de producteurs (GP), sous pression de la demande, se défend Biocoop précisant qu'il y a moins de normalisation sur les produits approvisionnés en direct.
Ces producteurs en direct constatent eux et elles aussi, pour certain.e.s, une évolution dans la relation avec les magasins, tantôt refusant toute négociation sur les prix, jouant la concurrence entre fournisseurs ou imposant des délais de livraison très courts.
Avec ses 1,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires, 7000 salariés, 741 magasins, 4 plateformes logistiques, le réseau Biocoop est-il encore un levier pertinent pour le développement de l'agriculture paysanne ?
Etat des lieux
L'approvisionnement en direct producteur, c'est 14,5 % du montant des achats des magasins en moyenne en PACA, soit 3200 fournisseurs. Il n'y a pas de plafond ni de seuil imposés pour l'achat local, mais les magasins reçoivent une remise de fidélité proportionnelle à leur part d'achats locaux.
Chaque fournisseur doit être visité par son magasin, puis validé par le chargé de développement local pour être ensuite référencé sur le portail Biocoop. Il n'y a pas forcément de contrat entre le magasin et les producteurs, seulement si les paysan.ne.s le souhaitent.
Comment sont fixés les prix au producteur ? « Pas de négociation avec le producteur qui fixe son prix » a longtemps été la règle mais ces dernières années le marché évolue et la concurrence s'accroît. Désormais il faut s'aligner sur le prix plateforme, si possible, qui est au-delà du prix du marché ou même de Pronatura. Il n'y a pas de marge imposée. Les magasins ont l'obligation de payer les producteurs en direct avant de payer leurs achats à la plateforme.
Les plateformes sont approvisionnées par les produits de la section agricole ( groupements de producteurs sociétaires) ou les marques partenaires. SOLEBIO et Uni-vert sont les deux GP qui alimentent la plateforme Sud-Est. Les paysans membres du groupement doivent être certifiés « Bio Cohérence », ils peuvent vendre à la fois en direct magasin et au groupement, tandis que les GP n'ont pas le droit de vendre aux magasins. Dans cette situation de dépendance vis vis de la plateforme, les GP se retrouvent en tension, l'été, quand les magasins se tournent vers leurs producteurs locaux. Ils demandent à la plateforme Biocoop plus d'engagement sur les volumes à livrer, ce qui suppose que les magasins, de leur côté aussi, planifient leurs commandes en direct.
Quelles perspectives et enjeux pour le réseau dans les années à venir ?
Avec la fermeture d'une vingtaine de magasins dans la région, les perspectives de développement sont fragiles. On observe plutôt un essaimage à l'intérieur du réseau.
Les exigences vont augmenter pour les producteurs en direct, qui vont devoir se certifier « Bio Cohérence » comme les membres sociétaires des groupements.
Pour respecter ses engagements vis à vis des GP, la plateforme va exiger un engagement plus fort des magasins vis à vis des achats à la plateforme, impliquant une meilleure planification des achats locaux aux producteurs.
Pour atteindre l' objectif de 25% de GES en moins à horizon 2030, il va falloir trouver des solutions pour le transport des fournisseurs qui représente 5% des émissions. L'enseigne envisage d'utiliser les plateformes pour centraliser les commandes des producteurs en direct qu'elles redispatcheront ensuite vers les magasins.
